ECOLE DE NICE/NOUVEAU RÉALISME
 
 
L'OR BLEU D'YVES KLEIN
 

Avec son fameux bleu IKB, Yves Klein vaut aujourd'hui de l'or. 
Mais le personnage reste mystérieux.
 

Par Florence CANARELLI 


 
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Au baromètre des ventes aux enchères, Yves Klein est devenu une valeur sûre. Son marché est mondial : 10% seulement  des ventes ont lieu en  France. Les spécialistes ont pu recenser quelques 194 "monochromes" peints en sept ans de carrière : rares et donc chers, les plus cotés sont les grands monochromes bleus (80 % des ventes). Le record jusqu'ici inégalé date de novembre 2000, avec une toile de 1958 - réalisée avec des éponges et pigments - adjugée 7 millions d’euros chez Christie’s New York. C'est à ce jour la pièce d'art contemporain français la plus chère.
Depuis lors, les prix se sont encore envolés : sa cote affiche une progression de près de 90 % depuis 2004. Ses ventes totalisaient  13,5 millions d’euros pour la période 2005-2006. Depuis le début de la saison 2006, six oeuvres ont déjà dépassé  le million d'euro.
En France, c'est une étude niçoise qui a décroché le gros lot en décembre 2006 : 290.000 euros pour un collage de 1961 intitulé "L'eau et le feu", de la succession André Verdet, chez Palloc et Fede.
Pour les non millionnaires, il est bon de savoir qu'on trouve à Paris de petites oeuvres à prix plus raisonnables : compter entre 50 000 et 80 000 euros pour un monochrome de 20 cm. Plus abordables encore, les Terres bleues, sculptures éditées à 300 exemplaires qui cotent entre 10 000 et 15 000 euros.

Collage de 1961 intitulé "L'eau et le feu"


 
 

Yves Klein "l'illuminé"

Son but ultime, "s'approprier le monde", pourrait le suggérer. D'ailleurs, sa galeriste parisienne, Iris Clert, parlait de lui comme d'un "être habité", un "poète de l'irrationnel".
Autodidacte, il rate son Bac mais choisit une voie mêlant mysticisme des Rose-Croix et influence du Japon. Sa seule formation se fait dans le milieu familial, sa mère étant une artiste abstraite renommée qui recevait dans son salon tous les lundis le monde artistique parisien.
Pour Yves Klein, l’œuvre d’art n’est que la trace de la communion de l’artiste avec le monde : "Mes tableaux ne sont que les cendres de mon art" .
C'est en cela qu'il fut incontestablement un pionnier de l'art conceptuel :  "J’ai peint des monochromes, créé des états de peinture immatérielle, manipulé les forces du vide, sculpté le feu et l’eau, je me suis servi de pinceaux vivants pour peindre, j’ai inventé l’architecture et l’urbanisme de l’air"…


 
 
Le génie de la mise en scène

Précurseur du body-art  (avec ces corps de femme utilisés comme "pinceaux vivants"), il médiatise également la "performance artistique" avec un goût de la mise en scène poussé jusqu'à l'extrême : lors de l'exposition du Vide, chez Iris Clert, il demande de "jeter dehors avec violence" le perturbateur qui osa crayonner son mur blanc immaculé !
Pour s'approprier le vide, il décide de faire un "saut dans le vide" du deuxième étage, qui n'est bien sûr qu'un photomontage (signé Harry Schunk et John Kender, 1961). Et pour le faire savoir, il fait publier un journal à parution unique sur le modèle du quotidien France-Soir, avec sa photo en couverture.
Même son mariage sera grandiose, célébré en grand uniforme de l'Ordre de Saint Sébastien, avec une haie d’honneur d’archers à la sortie de l’église.
 

Yves Klein en uniforme de 
l'Ordre de Saint Sébastien (DR)


 
 
Une vie si brève, qui s'achève à 34 ans…
 

1928 : Naissance à Nice rue Verdi (28 avril) de parents artistes. Il passe son enfance entre Cagnes-sur-Mer (dans une vieille maison achetée par son père), Paris et Nice où la famille est accueillie chez les parents de Marie.

1946 :  Il rate son bac mais  "signe de son nom le ciel". Sans doute pour se démarquer de ses parents, il ira, au delà de l'abstrait, vers l'immatériel.

1947 : Premier cours de judo, rencontre avec Arman. Il devient rosicrucien.

1952 : Il passe quinze mois au Japon jusqu'à obtenir la ceinture noire 4ème dan.

De 1955 à 59, il enseigne le judo et écrit un livre sur le sujet.

1955 : Première exposition à Paris où il rencontre le critique Pierre Restany

1957 : Expositions des monochromes à Milan, Paris, Londres, Düsseldorf, Milan et à Genselkirchen. Rencontre avec une jeune artiste allemande, Rotraut Uecker.

1959 : Collaboration avec les architectes Claude Parent et Werner Ruhnau pour une architecture de l’air. Conférences à la Sorbonne. Premières éponges présentées à la galerie Iris Clert.

1960  : Premier "saut dans le vide". Dépôt de la formule de l'IKB. Premières Cosmogonies (empreintes de la pluie et du vent). Signature du Manifeste des Nouveaux Réalistes à son domicile parisien.

1961 : Dépôt de l'ex-voto dédiée à Sainte Rita (Cascia, Italie). Premières peintures de feu. Exposition à Krefeld et New York. Exposition des Nouveaux Réalistes à Paris "quarante degrés au-dessus de Dada".

1962 : Mariage avec Rotraut Uecker (janvier).
6 juin 1962 : mort d'Yves Klein d'une crise cardiaque.

Avec Rotraut à New York (DR)


 
 
Yves Klein a-t-il inventé une nouvelle couleur ?

Selon la légende, Yves Klein aurait fait de longues années de recherche avec le marchand de couleurs parisien Edouard Adam pour mettre au point son fameux bleu. En réalité, il a surtout trouvé une astuce pour conserver sa couleur lumineuse au pigment pur de bleu outremer  (qui s'assombrit lorsqu'il est mélangé à un liant ). L'outremer fut inventé en 1828 par le chimiste lyonnais Jean-Baptiste Guimet, Yves Klein n'a fait que mettre au point un nouveau liant incolore à base d'alcool éthylique et d'acétate. Ce qui lui a permis de déposer en 1960, non pas un brevet mais une "enveloppe Soleau" valable 5 ans auprès de l'INPI (coûte actuel : 15 euros). Ainsi naitra le mythe de l'International Klein Blue (ou IKB).

   
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