PORTRAIT D'ARTISTE
 

Noël Dolla en 2006 (photo FC)


NOEL DOLLA 
fier d'être "peintre", malgré tout
 
 
 

Par Florence CANARELLI


 
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A la fin des années 60, la mode est aux remises en question radicales. En particulier dans le domaine artistique, où on porte un regard critique sur l'oeuvre et même sur le processus de création. Les Américains lancent l'art minimal tandis que les Italiens inventent l’Arte Povera. Mais contrairement aux artistes américains qui acceptent le jeu du marché, les Français choisissent la politique de la table rase.
"Tout est art", dira Ben.
Une génération d'artistes se retrouve sur la même longueur d'ondes pour "questionner la peinture", depuis le besoin de peindre jusqu'à la destinée du tableau dans le circuit marchand.
 

Pour Noël Dolla, la première expo du groupe SUPPORTS/SURFACES remonte au 14 décembre 1967, dans la galerie "Ben doute de tout", que Ben posséda durant quelques mois, située près de sa boutique, rue Tonduti de l'Escarène
Sous le titre "le Hall des remises en question", Dolla y montra ses premiers étendoirs, Saytour ses cartons ondulés, Louis Cane ses tampons tandis que Viallat déclinait déjà son gimmick sur toile libre. 

Né à Nice en 1945, Noël était dans le mouvement "le petit jeune" qui fut parfois mis de côté, comme à Coaraze, ce qui "le rendit furieux".

Doté d'un caractère fort et  imprévisible, Noël Dolla, en art comme dans sa vie, a toujours choisi la démarche la plus radicale.
Mis à la porte de la Villa Arson où il fit ses études, il la réintégra pourtant bientôt en tant que professeur : une sécurité de l'emploi qui l'aida sans doute aussi à se tenir à  son rejet idéologique du marché et de ses lois.
 

 


Les serpillères de Noël Dolla, 
une oeuvre typique du mouvement 
Supports/Surfaces


 
Lors de sa première exposition personnelle, en octobre 1969, il peignit en rose les rochers de la cime de l'Authion, puis la neige en rouge et vert un an plus tard … Tout en refusant  toute valeur marchande aux rares photos qui ont été faites de ces oeuvres de 'land art" :
- "Le marché doit se créer sur la réalité de l'oeuvre, ce n'est pas à l'artiste de plaire au marché … J'ai toujours choisi l'espoir de l'oeuvre contre la carrière".

Resté anar, et plus que jamais anticlérical, en rougne contre le monde tel qu'il est, Dolla poursuit aujourd'hui son travail dans le même esprit, continuant à questionner la peinture, dans sa forme et dans son fonctionnement idéologique, faisant feu de tous bois : acrylique, goudron, plumes, cire, fumée, acier, gants de toilette, torchons, tubes de néon ou galets de la plage de Nice. Tout en affirmant qu'il reste un peintre :

- "Dire que je suis peintre, c'est ma fierté. Être un jour reconnu comme le perpétuel mutant d'une pratique conceptuelle de la peinture sera mon honneur."


 
Supports/Surfaces raconté par Noël Dolla 

- "Au commencement était un petit groupe de jeunes gens qui pensait pouvoir changer la forme et l'esprit de l'art et par là même changer l'univers. C'était le début des Seventies. L'art pouvait être fait de torchons, de serpillières, de mouchoirs, il pouvait même être Ménager … Ce petit groupe croyait dur comme fer que Marx avait encore de beaux jours devant lui, que Freud et Lacan n'étaient pas des farfelus, que Debord, Lévis-Strauss, Mallarmé, Artaud, Umberto Ecco, Deleuze, Guatarri, Guevarra, Castro et tant d'autres, étaient les leviers d'airain d'un monde nouveau, plus juste et plus intelligent. Tout simplement le rêve d'une société plus humaine.
… C'était le temps de l'étude, le temps du refus des petits coups faciles et des arrangements servile avec l'ordre établi. Nous refusions que notre art serve de faire valoir aux petits et grands bourgeois du mondial capitalisme naissant et du mal absolu, la renaissance des religions et des croyances. 
… Fidèle à la pensée originelle de mon oeuvre, je reste pour ma part persuadé que nous avions raison. Demain ou après-demain, la volonté qui a été la nôtre et qui reste la mienne deviendra par l'alliance de la connaissance de la poésie et de la raison, un chemin de ronde pour l'esprit. " (Noël Dolla, 2006)


 
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