A la vue des maisons rondes de l’architecte
Antti Lovag, à Théoule, l’imagination galope à 300
à l’heure : utérus maternel, grotte, caverne, habitation
troglodyte … Et pourtant, ce ne sont que des maisons, habitables et habitées.
Oui, mais des maisons qui ont été qualifiées par César
de “grandes sculptures habitables” …
En même temps, discrètes, elles
se dissimulent sous une végétation aussi abondante qu’étudiée.
Car "l’intégration au site" est un des credo de l’architecte, ce
qui explique également leur couleur "terracotta”, destinée
à se fondre avec la couleur naturelle des collines de l’Estérel.
Une maison ronde … de partout
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C'est en 1986 que j'ai eu la chance de rencontrer
l'architecte et de visiter la deuxième "maison-bulle" signée
Antti Lovag. Commencée en 1975 - sans permis de construire - sur
le site de l’Esquillon, à Théoule, elle attirait l'oeil de
l'automobiliste empruntant la route du bord de mer. Alors en construction,
j'a eu le plaisir de la visiter grâce à la gentillesse du
gardien, Kami K., bienheureux "locataire" de cette étrange "maison"
- et grand admirateur de son concepteur : "Regardez cette courbe du plafond,
s'extasiait-il, n'y voit-on pas un ventre avec son nombril ?… Ici, tout
est Art et Antti est un génie !"
Un génie, oui. Et pour le moins Antti-conformiste
!
Imaginez … Il y a la mer, à vos pieds
et un paysage intact, mêlant le rocher rouge de l’Estérel
à une végétation méditerranéenne.
De l'extérieur, les formes rondes évoquent
les rondeurs féminines - seins, ventres, fesses - mais aussi des
visages aux yeux globuleux.
A l’intérieur, tout est rond : à
commencer par la porte d’entrée les couloirs cylindriques, les fenêtres-hublots,
et le mobilier conçu sur mesure. Sol mouvant, plafond ondulant,
murs courbes, fenêtres sphériques ou ovoïdes … Et encore
lit rond, placard rond, canapé rond, baignoire ronde … |
Construite sans permis de construire (on
imagine la tête du fonctionnaire devant le plan des maisons rondes
!), elle est aujourd'hui en passe d'être classée monument
historique … Enfin la reconnaissance pour cet architecte "avant-gardiste"
?
Sans aucun doute, surtout quand on sait que,
mise en vente par Sothebys en 1989 pour 50 millions de francs, elle a été
achetée par Pierre Cardin.
Qualifiée de "Maison de rêve"
par Sotheby's, elle offre à son propriétaire 1200 mètres
carrés habitables comprenant deux salons, huit chambres, bureau,
bibliothèque, salle de conférence, cinéma et jeu,
salles de services … Sur un terrain de 8500 mètres comprenant piscine,
étang, terrasses, palmeraie, amphithéâtre, court de
tennis, parking et pavillon de service.
Un Pierre Cardin, qui fut le créateur,
en son temps, des "robes-bulles", et a ajouté au chef d'oeuvre
d'Antti Lovag sa collection d'objets des années 70, dont le style
est sans aucun doute, bien dans le ton.
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"Pour moi, l'architecture
est une façon de vivre…"
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Antti Lovag, jeune homme de 80 ans, un physique
plus carré que rond, cheveux ras et allure sportive, oeil clair
et brillant de malice. Une personnalité totalement originale, architecte
sans diplôme, inventeur jamais en repos.
Antti Lovag est né en Hongrie en 1925
d'un père russe et d'une mère finlandaise - d'où l'origine
de son prénom.
Après des cours suivis à l'école
navale de Stockholm, cíest aux Beaux-Arts de Paris (où il
arrive en 1947) qu'il effectue des études d'architecture, laissant
tout en plan avant d'avoir obtenu son diplôme, comme d'autres grands
architectes avant lui … Sans doute trop artiste pour se couler dans le
moule d'un parfait étudiant.
Devenu architecte, ou plutôt "habitologue",
comme il préfère se définir (puisqu'il n'a pas le
diplôme officiel), il fera ses armes avec, en particulier Jean Prouvé,
l'inventeur des murs-rideaux.
Dans les années 60, il sera un des
premiers, avec Pascal Haüsermann et Chanéac, à expérimenter
en France une architecture "organique", qui emprunte aux formes de la nature
et tend à une liaison étroite avec les sites naturels (citons
Wright ou Aalto pour les plus connus) :
autoconstruction pour Antti Lovag, maisons
organiques pour Haüsermann, architecture industrialisée et
paysage artificiel des "villes-cratères" chez Chanéac. |
A partir de 1963, Antti Lovag collabore avec
Jacques Couëlle, líun des premiers architectes à développer
cette "architecture organique", pour les Maisons Sculptures de Castellaras
et Port-La-Galère à Théoule. Tout en participant à
líassociation ìHabitat évolutifî fondée
par Pascal Hausermann en 1971.
C'est à cette époque qu'il rencontre
Pierre Bernard, qui possédait un terrain dans le petit village de
Port La Galère. Pour l'industriel lyonnais, qui lui permettra de
concrétiser ses idées en jouant le rôle du mécène,
Antti Lovag réalise son rêve : construire sa première
maison ronde : "jamais je ne pourrais vivre ailleurs, aime à dire
cet admirateur inconditionnel d'Antti Lovag.
La seconde fut commencée en 1975 et
achetée en 1989 par Pierre Cardin.
Enfin, une troisième maison bulle,
connue comme "Maison Gaudet", est (toujours) en cours de construction
à Tourrettes sur Loup. Désormais classée au répertoire
des monuments historiques par le Ministère de la Culture(depuis
janvier 99), son édification s'est effectuée au fil
de trois décennies, puisque la maquette expérimentale date
de 1969. C'est l'un des rares exemples de bâtiments contemporains
ayant été classés. |
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Sur la Côte d'Azur, Antti Lovag a "signé"
par ailleurs la Maison des Jeunes Picaud à Cannes, le complexe astronomique
du collège Valeri, à Nice, le complexe ludique du collège
de l 'Estérel à Saint-Raphaël, le laboratoire d'interférométrie
à l'observatoire astronomique de la Côte d'Azur à Calerne.
Quand je lui ai demandé (en 1986) de
résumer son itinéraire, il répond, à sa manière
non conventionnelle : "j'ai travaillé avec des industriels, des
politiques, des religieux de l'Abbaye du Thoronnet, des jeunes "cinglés"
à Valence, des artistes pour lesquels j'organise en été
des stages d'autoconstruction à Tourettes sur Loup et j'enseigne
l'architecture à Marseille et à
Paris".
Aujourd'hui il vit, quasiment en ermite à
Tourrettes sur Loup, dans le premier petit module (rond, cela va sans dire)
qu'il a façonné de ses mains en 1970. A 75 ans, il se dit
"actuellement disponible pour tout projet hors du commun, et pour transmettre
ses techniques et connaissances". |
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